Bien souvent, nous utilisons des expressions à l’oral qui, de par leur homophonie ou leur très proche prononciation, peuvent nous induire en erreur quand il s’agit de les écrire. Quelques éclaircissements sur leurs origines nous permettront de ne plus commettre ces fautes à l’écrit.
Bien qu’ayant certains acquis en orthographe et en syntaxe, je ne manque jamais, par acquit de conscience, de relire mes textes avant de vous les livrer.
ACQUIS et ACQUIT sont des homophones mais ne proviennent pas des mêmes verbes. Ce sont tous deux des participes passés, mais le premier vient du verbe acquérir alors que le second vient du verbe acquitter.
Acquit est donc employé dans le sens de « acquittement », faisant référence à acquitter, qui signifie, entre autres, libérer une personne à la suite d’un procès. Cela veut dire que lorsque vous relisez un document par acquit de conscience, vous acquittez votre conscience… et pouvez avoir la conscience libre et donc tranquille !
Voilà une expression qui divise et qui peut, même sous le signe de l’union d’un beau repas de famille, faire repartir ladite famille en deux clans bien distincts ! Alors, AU TEMPS pour moi, ou AUTANT pour moi ?
Après tout, les partisans du « autant pour moi » ne manquent pas de logique face à ceux qui connaissent l’origine de l’expression et qui seraient donc, pardon pour les premiers, dans le vrai ! Une petite présentation s’impose pour comprendre l’origine de cette expression.
Elle viendrait du jargon militaire, où « au temps ! » était une injonction, tout comme « en joue… feu ! », « quart de tour à gauche… gauche ! », etc. « Au temps » désignait le moment exact pendant lequel il fallait exécuter certains mouvements bien précis. Cette injonction était donc employée quand il fallait reprendre un mouvement depuis le début. « Au temps pour les crosses » par exemple, signalait qu’il fallait reprendre le mouvement initial car le bruit des crosses touchant le sol était irrégulier. Pour être plus clair, cela voulait dire : « Reprenez le mouvement au temps (initial) ».
Le sens de cette expression, « c’est à reprendre (depuis le début) » a glissé tout naturellement vers un emploi figuré et a donné « au temps pour moi ! », ce qui signifie que l’on admet son erreur et que l’on est prêt à reconsidérer ses actes ou ses propos.
Il n’en reste pas moins que le sujet divise, et pas que les familles lors d’un convivial repas dominical ! Les linguistes sont eux aussi divisés sur la graphie de cette locution adverbiale. Grevisse ou Damourette émettent l’hypothèse que « au temps » ne soit qu’une altération de « autant ». Duneton est plus direct : selon lui, l’expression doit s’entendre comme « Je ne suis pas meilleur que vous, j’ai autant d’erreurs que vous à mon service : autant pour moi. »
Bien sûr l’Académie française s’en est mêlé, et elle clôt formellement le débat : c’est la graphie « au temps » qui doit être retenue.
Mais fi de son verdict ! Soyons larges d’esprit, et considérons que ces deux expressions coexistent ! Avec une nuance de sens cependant :
La logique voudrait que l’on écrive « faire bonne chair » lorsqu’il s’agit d’agapes. Pourtant, bien avant qu’il soit question de gueuleton, le mot « chère », dérivé du grec kara et du bas latin cara, désignait le visage. L’expression « faire bonne chère » signifiait donc « faire bon visage », autrement dit avoir l’air aimable, être accueillant et recevoir dignement quelqu’un qui frappait à la porte sans s’être forcément annoncé ! Du bon accueil au bon repas, voilà donc comment au milieu du XIVe siècle l’expression dévie et se limite au sens de « faire un bon repas ».
La confusion avec l’homonyme « chair » est donc bien naturelle, mais qu’elle ne vous coupe pas l’appétit pour autant !
Je vous l’accorde, il y a de quoi craquer pour bien orthographier ce mot selon le sens qui lui est propre.
Crac est une onomatopée, c’est-à-dire un mot crée pour signifier le plus exactement possible la perception acoustique d’un son émis par des êtres animés ou des objets. Dans ce cas, elle exprime le bruit sec que fait un objet en se brisant, en se déchirant ou en se cassant. Crac Boum Hue! chantait Jacques Dutronc dans les « play-boys » !
Crack a plusieurs significations :
1/ Un crack peut être un as ou un virtuose dans une discipline donnée. Ce mot est très courant dans le milieu des courses pour désigner un cheval favori.
2/ Mais le crack est aussi un dérivé de la cocaïne sous forme de cristaux que l’on peut fumer. Perso, j’ai arrêté !!! ☺
3/ Un crack peut encore être un programme informatique conçu pour lever une impossibilité ou une restriction d’utilisation d’un logiciel. Bouh, c’est pas bien !...
Craque est le verbe conjugué (indicatif présent, subjonctif présent, impératif) du verbe craquer, qui signifie : se briser, céder, se déchirer en produisant un bruit sec. Au sens familier, on peut aussi craquer « nerveusement », ne plus supporter, s’effondrer, comme on peut craquer à l’attrait de quelqu’un ou de quelque chose. Enfin, on peut aussi craquer une allumette ! Mais les bonimenteurs le savent bien, on peut raconter des craques, histoire d’impressionner la galerie ou tout simplement de se blanchir…
Krack est d’origine allemande et signifie : « grand bruit », comme celui d’un effondrement, et c’est de là que vient son sens figuré pour désigner l’effondrement des cours de la bourse. Ce terme apparaît dans la presse germanique lors de la chute des bourses de Vienne et Berlin en 1873. Il semblerait donc que « krack boursier » soit un pléonasme. Mais ce vocable allemand aurait repris le mot « crash » de l’anglais, qui existait depuis 1817 et qui caractérisait lui aussi une chute brutale du cours d’une action.
N.B. Le crash, comme tout le monde le sait, est employé essentiellement pour la chute brutale d’un avion ou pour un choc violent lors d'un accident. Contrairement aux mots ci-dessus, il se prononce « crache », et non pas cratch ou scratch comme on peut l’entendre parfois !
Bien que notre conscience soit parfois une forteresse, notre for intérieur ne prend pas de t !
En mon (ton, son, notre, votre, leur) for intérieur signifie en moi-même, au plus profond de ma conscience. Cette expression vient de forum qui, en latin, désignait la place publique sur laquelle on venait débattre des sujets les plus divers, qu’ils soient publics ou privés ; un lieu où était rendue la justice en quelques sortes, et qui pouvait être apparenté à un tribunal. D’où le for intérieur est devenu « le tribunal intime de la conscience » où comparaissent les états d’âme de notre conscience.
Remarquez que le mot forum est fort employé sur la toile aujourd’hui et désigne aussi une « place publique » sur laquelle tous les sujets (ou presque) peuvent être débattus par qui veut.
Pour ne plus faire la faute si vous devez écrire cette expression, pensez à forum et laissez tomber la forteresse !
Qu’il soit l'inverse du haut ou qu’il s’agisse de celui qu’on enfile par les pieds, le bas n’a rien à voir là-dedans ! Pourtant, cette confusion qui passe inaperçue à l’oral peut devenir gênante à l’écrit.
Le bât vient du latin bastum, dérivé du verbe bastare qui veut dire porter. D’ailleurs, en vieux français, on écrivait bast jusqu’au XVIIIe siècle. La deuxième édition du dictionnaire de l’Académie française de 1740 décida de se débarrasser des s muets tels que dans bast, mesme, beste, coste, évesque, forest, Pasques, Pentescote, etc., et de noter cette disparition par le recours systématique à l’accent circonflexe pour préciser la prononciation de certaines voyelles : bât, même, bête, côte, évêque, forêt, Pâques, Pentecôte…
Donc, pour en revenir au bât, il s’agit du dispositif en bois posé sur le dos des bêtes de somme permettant d’y arrimer une charge. S’il est mal placé, le bât peut blesser l’animal et devenir source de souffrance.
Là où le bât blesse, ça fait mal ! On emploie donc cette expression pour signaler la cause d’un problème ou d’un mal.
Alors celle-ci, je l’adore ! D’autant que, comme beaucoup d’entre nous, j’ai longtemps cru entendre dans ma jeunesse (oui je sais, il y a fort longtemps !) : « rabattre les oreilles » ! J’imaginais bien un âne avec les oreilles rabattues sur les yeux (ridicule s’il ne voulait pas entendre !) ou, selon mon humeur, un chat, oreilles en arrière et toutes griffes dehors !
Il est vrai que rabattre et rebattre sont des mots très proches phonétiquement… et avec un peu d’imagination, n’est-ce-pas…
Ces paronymes ne sont donc pas synonymes, rabattre signifiant ramener vers le bas, rabaisser ce qui était levé ou diriger vers un endroit donné, et rebattre qui, lui, veut tout simplement dire battre de nouveau. De la même façon qu’on peut rebattre les cartes ou un tapis jusqu’à les user, rebattre les oreilles à quelqu’un signifie le lasser, le soûler même, à force de lui parler toujours de la même histoire !
Un sujet rebattu devient ainsi un sujet qui ne présente plus aucun intérêt à force d’avoir été débattu.
Quant au caquet, certes on peut le rabattre à quelqu’un, mais on ne peut pas lui rabattre les oreilles !
Gré est issu du latin gratum : accueilli avec faveur, reconnaissant, et le verbe agréer en est le dérivé. Le sens premier de gré est le consentement, d’où agréer signifie accueillir favorablement, accepter : « La commission agrée votre proposition ». Plusieurs locutions sont formées avec gré : faire à son gré, trouver une personne ou une chose à son gré, de son plein gré, de bon gré, de gré ou de force, bon gré mal gré, etc. À ne pas confondre donc avec grès qui est la roche sédimentaire siliceuse !
Mais venons-en au fait ! La locution « savoir gré » signifie être reconnaissant, et ne s’emploie qu’avec le verbe savoir. On la retrouve essentiellement dans les formules de politesse : « je vous saurai(s) gré de… » et non « je vous serai(s) gré de… ». À noter que gré se cache aussi dans les substantifs agrément, désagrément ou les adjectifs agréable, désagréable.
Pour résumer, gré s’écrit avec un accent aigu et sans « s », et dans la formule de politesse, il s’emploie avec le verbe savoir : Je vous sais gré, je vous saurais gré, nous vous saurions gré…
Inutile de préciser ce que tout le monde sait déjà, sens dessus dessous veut dire qu’il règne un grand désordre et, bizarrement, la première idée qui nous vient est la vision de la chambre de nos enfants ! Mais comment l’écrit-on ?
_ Sans dessus dessous ? Que voulez-vous dire par là ? Qu’une personne est nue, sans dessus et sans dessous ?
_ Non, cela veut dire qu’il n’y a plus de dessus et plus de dessous ! me rétorquerez-vous.
_ Pas faux ! vous répondrais-je.
À première vue, le raisonnement pourrait se tenir. Pourtant, l’expression s’écrit bien avec sens (dans ce cas, la direction) et non avec sans (qui marque l’absence). En effet, cette formule répond à une orientation et non à une privation. Autrefois, l’expression employée pour exprimer un immense désordre était : « devant derrière », ce qui voulait bien dire à l’envers ! Elle a été abandonnée peu à peu pour laisser la place à « sens dessus dessous ». Autrement dit, rien n’est à sa place selon l'ordre établi où le dessus se doit d’être sur le dessous et non l’inverse !
Pour essayer de ne plus faire la faute, essayons d’imaginer ce que serait un « sans dessus dessous » : selon moi, cela ne serait pas loin d’être le néant, rien dessus, rien dessous et certainement rien au milieu ! Cela n’aurait aucun sens car l’expression interroge sur le sens d’un objet et non pas sur son absence !
On peut aussi dire d’une personne qu’elle est « sens dessus dessous » lorsqu’elle est bouleversée, tourneboulée, retournée… à l’envers quoi !
À noter que dans l’expression (qui n’est plus que très rarement utilisée) « tourner les sangs », on ne tourne pas les sens mais bien les sangs !