Vous allez dire que je joue sur les mots… C’est un peu vrai ! À plus ou moins une lettre près, certains termes ou certaines expressions peuvent avoir une signification proche ou au contraire totalement différente. En voici quelques exemples :
Ce mot est issu du verbe latin collidere, heurter. C’est une rencontre violente entre deux corps ou, au sens figuré, un affrontement. On peut le remplacer par choc ou heurt : "Selon les experts, cet astéroïde risque peu d’entrer en collision avec notre planète".
S’il y a choc ou heurt, il s’agit bien d’une collision.
Issu du verbe latin colludere qui signifie s’entendre, la collusion est une entente ou un accord, plus ou moins honnête, entre deux parties au détriment d’une troisième. "Il y a eu collusion entre les deux groupes pour se partager le marché." Il s’agit bien ici d’une entente ou d’un accord entre les deux groupes.
on retrouve le sens de jonction : réunir, joindre. "Nous sommes soumis aux aléas de la conjoncture économique" : la conjonction des aléas économique est défavorable.
on retrouve le sens de jeter : jeter des idées, des hypothèses. Les conjectures sont donc des suppositions. Les experts se perdent en conjectures : les experts se perdent en suppositions, en idées qu’ils projettent.
Petit aparté de Bruno Dewaele, champion du monde d’orthographe et professeur agrégé de lettres modernes, sur la conjecture : « S’il n’est pas rare que la conjecture, que l’on prétend presque toujours « vaine », se teinte d’une nuance péjorative, elle le doit probablement au fait qu’elle s’est épanouie, à l’origine, dans la langue des augures. Certes, par la suite, elle s’est affranchie de cet environnement magique pour coloniser les secteurs didactique et politique, considérés comme autrement sérieux. Pour autant, elle n’en a pas totalement perdu la réputation qui était sienne de représenter avant tout… une idée creuse et sans réel fondement ! »
Si le terme qui pose problème peut être remplacé par « hypothèse » ou « supposition », c’est une conjecture. S’il peut être remplacé par « situation » ou « contexte », c’est une conjoncture (le résultat d’un concours de circonstances).
*Vous remarquerez que le je de jeter (des suppositions ou des idées) se retrouve dans conjecture, de même que le jo de jonction se retrouve dans conjoncture.
Que de conjectures lorsqu’on parle de conjoncture !
Alors que la marmotte se prépare à hiberner, les troupeaux regagnent la vallée pour hiverner. À une lettre près, ces deux termes concernent l’hiver mais leur sens est différent.
Il ne s’emploie que pour les animaux. La marmotte par exemple, reine de l’hibernage, « dort » la moitié de l’année ; son métabolisme est réduit à un dixième et elle peut ne respirer qu’une ou deux fois par minute. Elle perd 50% de son poids, tout comme le hérisson qui, lui, en perd 30%. Cette léthargie touche aussi les loirs, les écureuils, les chauves-souris, les tortues, les escargots, les grenouilles, etc. Les ours et les blaireaux, en revanche, sont de faux hibernants. Même si la température de leur corps descend de quelques degrés, ils sortent régulièrement de leur sommeil pour rechercher de quoi se sustenter.
En revanche, l’hivernage concerne tout aussi bien les animaux (les oiseaux migrateurs hivernent dans des pays chauds, par exemple) que des troupes, des navires ou encore des terres. Il fait référence à la notion d’abri : ports, étables, etc., mais en aucun cas à l’état de léthargie dans lequel plongent les animaux hibernants.
Voici ce qu’en dit Bruno Dewaele, notre expert en orthographe : « Il est à espérer que cette révélation ne jettera pas un froid : les deux mots susdits proviennent d’un seul et même verbe du latin classique, hibernare, « prendre ses quartiers d’hiver ». Mais si le premier, hiverner, est le fruit d’une évolution spontanée de la langue, on doit le second, hiberner, à un emprunt savant beaucoup plus tardif, puisqu’il remonte seulement au début du dix-neuvième siècle, période qu’éclaboussait de son aura un certain baron Cuvier, zoologiste et paléontologue de son état… »
Sur ce coup-là, l’Académie Française est plus large. Elle nous dit dans son dictionnaire que le verbe réanimer est vieilli et s’emploie surtout dans le milieu hospitalier lorsqu’il s’agit de réanimer un patient, mais que l’emploi de ranimer est également correct dans ce cas-là. D’ailleurs, ce terme avait disparu, pour réapparaître plus tard par le biais de la réanimation, c’est-à-dire ramener quelqu’un à la vie.
Voici ce que dit le Larousse : Réanimer s'emploie au sens médical de « rétablir les fonctions vitales de (qqn) » : réanimer un noyé.
Ranimer est d'un emploi plus général au propre comme au figuré (ranimer un feu, des souvenirs, l'enthousiasme, le débat, le passé, une vieille querelle…).
Pour conclure, vous pouvez ranimer une personne évanouie (même s’il est plus précis de la réanimer), mais évitez de réanimer le débat quant aux méthodes que vous avez employées !
Parle-t-on de mythe ou de mystère ?
La nuance est subtile, comme le souligne Bruno Delawae : « À la décharge de ceux qui confondent volontiers ces deux mots, reconnaissons que leur proximité sémantique ne facilite pas les choses : dans la mesure où, par définition, un mythe nous éloigne de la réalité, la mythification est presque toujours une mystification. De la même manière, démythifier quelqu’un, c’est faire en sorte que nous le voyions enfin pour ce qu’il est vraiment. Et cela ne revient-il pas à nous démystifier ? »
Dans l’Antiquité grecque, muthos signifiait récit épique, fable, conte. Le mythe est une construction imaginaire conçue pour inciter à croire. Il est là pour expliciter, au travers d’allégories, la création du monde, l’essence de l’être humain… Aujourd’hui, mythifier quelqu’un ou quelque chose revient à idéaliser des personnages ou des faits qui ont une réalité historique, en créant autour d’eux une légende qui donne une dimension « merveilleuse » à ce qu’ils sont réellement.
La mort prématurée d’une célébrité, par exemple, peut contribuer à la mythifier.
Mystifier quelqu’un signifie : abuser de sa crédulité, le leurrer, le duper, le tromper par des promesses. On peut donc être mystifié par un charlatan, de même que les foules peuvent être mystifiées par la propagande.
On comprend bien que mythifier s’utilise lorsqu’on parle d’un mythe et mystifier quand on parle d’un mystère… Le tout est de ne pas employer l’un pour l’autre !
s’applique au destinataire d’un courrier… justement pour attirer son attention ! C’est une formule administrative qui se trouve à l’en tête dudit courrier.
signifie « pour quelqu’un », « en l’honneur de quelqu’un ».
"Envoyez un courrier à l’attention de Monsieur Pichon, pour l’informer qu’un pot de départ sera organisé à l’intention de Madame Chipon."
L’utilisation de ces deux expressions fait souvent débat, d’autant que leur sens est très proche.
De concert est dérivé de concertation. Travailler de concert avec quelqu’un signifie s’accorder à deux ou à plusieurs avec des aspirations communes afin de tendre vers un même objectif.
"Œuvrer de concert" est donc l’idée d’œuvrer dans le même but.
Au départ, l’expression voguer de conserve n’était employé que dans la marine. Les pirates qui sévissaient aux quatre coins du monde au XVIe siècle contraignirent les navigateurs à se protéger mutuellement en sillonnant les mers à plusieurs. Le verbe conservare, d’origine latine (servare : garder, préserver et cum : ensemble) fit donc son apparition dans la marine. Aujourd’hui, bien que tombant en désuétude, l’expression aller de conserve s’emploie plus particulièrement dans un contexte de voyage pour désigner des personnes qui font route ensemble avec des objectifs et des intérêts communs.
N.B. Vous noterez que sur la première photo, ces trois hommes travaillent de concert afin de marcher de conserve vers leur destination.