Autant que vous le sachiez, il n’y a pas pire que ces fichus participes passés, et même les meilleurs se font encore avoir ! Cependant, essayons de limiter les dégâts et de cesser de courber l’échine dès que nous avons affaire à eux !  

                                   « Quel casse-tête ! », pensez-vous, dès que vous entendez « participe passé » ! 

Peut-être pas autant que cela… Bien sûr, il y a la règle… et ses exceptions ! Le problème, c’est que l’énoncé de ces règles n’est pas toujours très clair : employé avec ou sans auxiliaires, avec l’auxiliaire être ou l’auxiliaire avoir, s’accorde avec le sujet ou le complément d’objet direct (COD)… Bref, beaucoup de choses à retenir pour finalement arriver au même résultat… En fouillant un peu, je suis tombée sur la méthode de Marc Wilmet. Cet académicien belge, qui a été, entre autres, membre du Conseil supérieur de la langue française de France, s’est penché sur la grammaire en général avec la « Grammaire critique du français », et sur ses obscurs participes passés : « Le participe passé autrement ». 

Dans ce premier volet, je vous propose de voir comment s’accorde le participe passé dans 90% des cas. Mais juste avant de rentrer dans le vif du sujet, faisons un bond de quelques siècles en arrière et rendons visite aux moines copistes. 

Ces moines écrivaient sous la dictée, des textes religieux principalement, dans des manuscrits très chers à fabriquer. Pour gagner du temps et de la place, les mots étaient collés les uns aux autres, sans espace, et les pauvres frères qui transcrivaient les phrases sans pouvoir prendre de l’avance (et encore moins de recul) n’accordaient les participes passés que lorsque « ce dont on parlait était devant dans la phrase ». Sinon, c’était trop tard pour en changer la terminaison.


Démonstration :    

Prenons le verbe préparer.   

Ils ont préparé les dossiers pour la réunion. Les dossiers qu’ils ont préparés pour la réunion.    

L’astuce est de se poser la question suivante : au moment où j’écris le PP (participe passé) préparé, est-ce que j’ai déjà écrit les dossiers

Dans la 1ère phrase, au moment où j’écris le PP préparé, je n’ai pas encore écrit les dossiers. Donc, je n’accorde pas : préparé.   Dans la 2ème phrase, lorsque j’écris le PP préparé, j’ai déjà écrit les dossiers. Donc, j’accorde : préparés.     

Cette méthode peut vous paraître un peu simpliste, pourtant elle fonctionne dans 90% des cas, sans se demander si l’auxiliaire est être ou avoir, et sans même évoquer le COD.   

Mes amies se sont préparées pour sortir.   

Quand j’écris « préparé », j’ai déjà écrit « ce qui est préparé », en l’occurrence mes amies, féminin pluriel, donc j’accorde : préparées. 

Mes amies se sont préparé des sandwiches avant de sortir. 

Quand j’écris « préparé », je n’ai pas encore écrit « ce qui est préparé », c’est-à-dire les sandwiches, donc, je n’accorde pas : préparé

Mes amies ont emporté les sandwiches qu’elles ont préparés. 

Toujours la même question à se poser au moment d’écrire le participe passé : est-ce que j’ai déjà écrit ce qui est emporté ? Non, puisque ce sont les sandwiches. Je n’accorde pas : emporté.  

Est-ce que j’ai déjà écrit ce qu’elles ont préparé au moment où je l’écris ? Oui, puisqu’il s’agit des sandwiches. J’accorde : préparés

Bien sûr, ce n’est que la première partie de ce volet sur les participes passés, mais sachez que cette méthode couvre quasiment tous les cas, même avec certains verbes pronominaux ou « occasionnellement pronominaux ». 

Elles se sont lavées

Lorsque j’écris « lavé » j’ai déjà écrit qui s’est lavé : le pronom personnel elles étant au féminin pluriel, j’accorde : lavées

Elles se sont lavé les mains. 

En revanche, si le PP « lavé » ne les concerne pas elles mais leurs mains (que je n’ai pas encore écrit), je n’accorde pas : lavé.

Idem pour : Ils se sont coupés. Ils se sont coupé le doigt.

 

Attention au sujet inversé :   

Dans le ciel sont passées les oies sauvages. 

Cette tournure de phrase « poétique » nous oblige à remettre le sujet à sa place : Les oies sauvages sont passées dans le ciel. 


Le participe passé employé sans auxiliaire. 

 Pour moi, il n’est ni plus ni moins qu’un adjectif et s’accorde comme tel : 

Un être aimé. 

Des histoires finies

Elles sont sorties de la réunion épuisées et déçues.


 

                                                                           Les pièges 


 Ci-joint, ci-annexé, ci-inclus.   

Ces adjectifs restent invariables quand ils sont placés au début d’une phrase ou directement devant le nom sans déterminant (le, un…). 

Ci-joint les justificatifs demandés. 

Ci-inclus les pièces demandées. 

Mais ils s’accordent dans les autres cas, c’est-à-dire quand ils suivent le nom ou quand ils précèdent un nom qui est lui-même précédé d’un déterminant. 

Veuillez me renvoyer les documents ci-joints signés. 

Veuillez trouver ci-jointe la photocopie de ma carte d’identité. Mais vous trouverez ci-joint photocopie de ma carte d'identité. Dans ce cas, il n'y a pas de déterminant (pas de la). 


Vu, attendu, y compris, non compris, excepté, supposé.   

Utilisés sans auxiliaire et placés devant, ces participes passés sont considérés comme des prépositions et demeurent invariables. 

En revanche, placés derrière, ils sont bien des participes passés et s’accordent avec le ou les mots auxquels ils renvoient. 

Ils étaient tous là, excepté les sœurs Brontë. 

Les sœurs Brontë exceptées, ils étaient tous là.   

*Je ne m’étends pas sur les participes étant donné, mis à part et passé qui sont censés être invariables lorsqu’ils se retrouvent placés devant mais que l’on trouve parfois accordés. 

Passé les premières minutes, mis à part sa bonne humeur, etc., que l’on peut trouver ainsi : 

Passées les premières minutes, mise à part sa bonne humeur…  

Honnêtement la règle est un peu floue et d’après Grevisse dans le « Bon usage », l’invariabilité n’est pas obligatoire pour ces trois locutions. Donc ne vous laissez pas faire si on vous fait la remarque et faites ce que vous voulez ! Non mais !   

                                   On n’en a pas encore fini avec les participes passés, mais avec ce premier volet, si !

 

Je vous retrouve bientôt pour le deuxième volet dans lequel nous irons voir de plus près les verbes pronominaux, les verbes impersonnels, le participe passé avec l’auxiliaire avoir suivi d’un infinitif, et bien d’autres espiègleries de la langue française !