On en rêve tous… ou presque ! Bien sûr, je ne parle pas des académiciens (qui entre nous soit dit ne sont pas forcément des linguistes), mais de nous qui, pauvres écoliers devenus adultes, restons parfois interdits devant des subtilités orthographiques ou syntaxiques, cherchant désespérément dans notre mémoire la règle idoine ☺ ! Pourtant, des réformes orthographiques, il y en a eu ! Sans retracer la genèse de l’évolution de la langue française, je vous propose un survol historique depuis la création de l’Académie française.
Richelieu
En 1633, apprenant par son secrétaire l’existence d’une compagnie d’intellectuels lettrés se réunissant en secret, Richelieu forme le projet de créer l’Académie française et la place sous autorité royale. Après deux ans, passés à élaborer ses statuts et règlements, l'Académie voit le jour le 29 janvier 1635. Treize nouveaux membres (appelés académistes jusqu’en 1636) viennent siéger avec le groupe des neuf déjà existants. Les statuts limitent le nombre d’académiciens à quarante, inamovibles jusqu’à leur mort, même si (faits très rares) ces derniers sont démissionnaires ou exclus. On les appelle aussi « les immortels », en regard de la devise gravée sur le sceau donné par Richelieu, « À l’immortalité », à l’Académie. Pour la petite histoire, un de leurs premiers travaux en 1637, fut celui d’arbitrer les querelles entre Corneille et ses détracteurs concernant « Le Cid ».
Le rôle de l’Académie française étant de contribuer à l’harmonisation de la langue française afin de la rendre compréhensible de tous les Français, sa première mission fut donc de travailler sur un dictionnaire. La première version dudit dictionnaire date de 1694 et la huitième et dernière de 1935. Quant à la neuvième, elle est en cours.
1740
Ce n’est qu’à cette date que les premiers changements officiels eurent lieu ! Avec l’arrivée de nouveaux penseurs à l’Académie Française, le dictionnaire commença enfin à se moderniser. En effet, certains philosophes tentèrent de changer les mentalités en proposant une version plus actuelle et adaptée à la société française de l'époque. Plus d’un tiers des mots changèrent d’orthographe (environ 6000 mots changés sur 17000) !
1835
Depuis la réforme de 1740, de nombreuses additions furent effectuées dans la langue française. L’accent grave fit son apparition en 1762 et les formes verbales changèrent de « oi » à « ai » : je feroi devint je ferai, et les dernières traces de l’ancien « françois » commencèrent à disparaître. À la fin du XIXe siècle, d’autres dictionnaires apparurent dont le Larousse. Le petit Robert attendra le siècle suivant pour montrer le bout de son nez. Cette réforme est très importante car le changement de certaines intonations (connoisseur se prononce maintenant connaisseur) entraîne avec lui une évolution de taille dans la façon de s’exprimer et de communiquer.
1878
L’enjeu de cette réforme a été d’enrichir notre vocabulaire tout en le simplifiant afin d’obtenir la reconnaissance de notre langue au-delà des frontières de l’Hexagone. La septième édition du Dictionnaire fut donc actualisée afin de rendre l’apprentissage du français plus accessible.
1935
Pas grand-chose à signaler dans cette réforme, plutôt de légères variantes, certainement à cause du contexte historique délicat.
1990
Là, ça se complique ! Non pas la réforme en elle-même, qui visait à simplifier et éclaircir certaines bizarreries des règles orthographiques, mais le tollé qu’elle a provoqué, obligeant ainsi l’Académie française à adopter une posture neutre, un peu boudeuse : fais comme tu veux !
Voici ce que dit l’Académie : « le français est une langue vivante. À ce titre, elle évolue avec des intégrations de néologismes, des suppressions de termes obsolètes, des corrections ou simplifications orthographiques, etc. Mais l’évolution d’une langue ne s’accomplit pas seulement par les mots. C’est aussi intégrer la langue dans son environnement sociétal et culturel. C’est pourquoi nous avons accédé à la requête des Réformistes de la Langue Française, à savoir tolérer les fautes orthographiques. En effet, une très grande partie de la population écrit avec de nombreuses fautes d’orthographe et cela ne nous empêche pas de les comprendre. Aussi, on ne veut marginaliser personne à cause de la langue. Ainsi, en ne sanctionnant plus les fautes d’orthographe, on fait du français une langue dans l’ère du temps et une langue faisant partie de l’identité de chacun. »
Autrement dit, ces « rectifications du Conseil Supérieur de la Langue Française » restent facultatives et non obligatoires. Ce n’est qu’en 2016 que ces changements sont pris en compte dans les manuels scolaires et sont appliqués par les éditeurs de L’Académie ! Mais leur application est toujours facultative… Vous trouverez ci-dessous le lien vers le pdf du journal officiel détaillant l’essentiel de la nouvelle orthographe : Nouvelles règles
Pour commencer, il ne faut pas perdre de vue que l’orthographe est un outil au service de la langue. Comme tout outil, il évolue dans le temps, et les réformes successives essaient de l’adapter au mieux selon les besoins. C’est l’usage qui force à modifier, au fil du temps (fil incroyablement long), les règles orthographiques. Pour autant, il ne faut pas croire que simplifier résoudrait tous les problèmes ! Notre langue ayant un vocabulaire très riche, certaines règles sont incontournables pour éviter non-sens ou contre-sens. Gardez-vous bien par exemple, d’oublier l’accent circonflexe dans une phrase telle que : « Je vais me faire un petit jeûne d’une semaine. » ! Cela dit, à l’oral, la confusion est possible. Tout est une histoire de contexte, bien évidemment.
Sincèrement, je pense que oui. Je suis la première à défendre l’orthographe et la syntaxe, mais la première aussi à m’insurger parfois (seule dans mon bureau et sans aucun témoin, je jure comme un automobiliste irascible !) contre certaines absurdités.
Ériger l’orthographe en dogme et stigmatiser ceux pour qui les mots deviennent des maux n’est certainement pas la bonne solution pour dédramatiser l’apprentissage de notre langue. Ne serait-il pas plus judicieux de chercher à diminuer cette discrimination plutôt que de chercher à tout prix à simplifier des règles qui, souvent, ne sont pas simplifiables, et de vouloir niveler par le bas.
Bien sûr, notre langue est difficile, mais se mettre à niveau, sans pour autant chercher à atteindre l’excellence, n’est pas un obstacle insurmontable. C’est l’appréhension que l’on a devant cet obstacle qui, lui, peut paraître insurmontable… Enfin, pour ceux qui (dont je pense faire partie) maîtrisent l’orthographe, « naturellement » ou à force de travail, gardons à l’esprit, encore une fois, qu’elle n’est qu’un outil, et même en ayant l’outil le plus sophistiqué du monde, pas sûr que nous soyons capables de créer un chef d’œuvre avec celui-ci !
Raymond Queneau disait, avec pas mal d’humilité et d’autodérision : « L’orthographe est plus qu’une mauvaise habitude, c’est une vanité ».
Et puis, ça fait mal de le dire, mais dans les cahiers préparatoires du premier dictionnaire de l’Académie française en 1694, il y avait écrit : « L’orthographe servira à distinguer les gens de lettres des ignorants et des simples femmes. ».
L’orthographe est-elle un instrument de discorde ?
Ce qui est certain, qu’on la maîtrise ou non, c’est qu’elle enflamme les passions et divise tous les jours un peu plus les « réformistes de la langue française » et ses « conservateurs acharnés » !
Pour ma part, je ne m’attendais pas à ce que cet article soit si dur à écrire… Vous le savez, je suis une amoureuse de la langue française, et ceux qui le sont aussi le savent bien, nous avons un peu souffert pour la maîtriser (ou pensé la maîtriser). Il n’en reste pas moins que la vie ne passe pas forcément par la culture et les livres et que la réussite et l’accomplissement de soi ne passe pas non plus forcément par l’orthographe.
La seule chose importante est de se comprendre et de se respecter… Alors je souhaite à ceux qui ont envie de la connaître un peu mieux d’accéder à un niveau suffisant pour se faire comprendre et entendre, et à ceux qui la maîtrisent d’être indulgents et bienveillants.